« American Power » – Mitch Epstein #SteidlVerlagEditions

par Wipplay
© Mitch Epstein

AMERICAN POWER
Mitch Epstein

Édition : Octobre 2009
144 pages

American Power - Steidl Verlag Editions © Mitch Epstein

Mitch Epstein est un important documentariste américain contemporain qui travail sur l’inscription de l’homme dans le paysage. Après une première période influencée par la street photography et notamment Gary Winogrand, Epstein a ensuite opté pour une approche plus construite, plus posée par laquelle il reprend le flambeau des new topographists.

Le titre de son nouvel opus est évidemment polysémique : « power » signifiant en anglais à la fois « pouvoir » mais aussi « puissance » et « énergie ». À l’heure du réchauffement climatique, Epstein se focalise sur la production d’énergie. Ce vaste projet est né d’un sujet qui lui avait été commandé en 2003 : il devait se rendre à Cheshire, Ohio, pour photographier la destruction de la ville. Une compagnie électrique, l’American Electric Power Company, avait payé les habitants pour quitter leurs maisons. Marqué par ce reportage, Mitch Epstein entreprend six mois plus tard un tour des États-Unis des sites de production énergétique. Le voyage allait durer cinq ans.

American Power - Steidl Verlag Editions © Mitch Epstein

Le résultat est un essai magistral sur la situation économique, écologique, politique et sociétale de l’Amérique d’aujourd’hui. Mise en perspective du paysage, de l’humain et de ses constructions, inscription dans une Histoire des formes, définissent la pratique de Mitch Epstein.
Il confia même photographier la peur au ventre. Constatant, au fil de ses prises de vue, la collusion entre les pouvoirs policiers, politiques, et économique dans le domaine de l’énergie, il réalisera quelques images ironiques : des panneaux solaires dans l’enceinte du Pentagone à Washington, une chaise électrique, etc.
Il s’agit bien plus pour lui de comprendre que de juger. Il égrène ensuite les différents mode de production d’énérgie en les mettant systématiquement en relation avec l’humain ou leur finalité : au milieu d’un lotissement californien deux derricks puisent le pétrole. Plus loin, un champ d’éoliennes plantées sur des collines désertiques est bordé par un terrain de golf verdoyant. Là un barrage hydro-électrique est à demi vidé de son eau, directement pompée pour alimenter Las Vegas : La matière première devient plus désirable que l’énergie qu’elle peut produire. Epstein met également le doigt sur les mythologies américaines : dans une concession automobile, une fresque naïve représente des émigrants vers le Far West. Mille autres exemples pourraient témoigner de cette manière qu’a Mitch Epstein de rapprocher deux éléments discordants, à l’intérieur même de l’image le plus souvent, par le contexte parfois, pour produire du sens.

Un élément imprévisible allait perturber le projet soigneusement établi du photographe : l’ouragan Katrina et l’impéritie politique qui le suivit. Epstein se rend en Louisiane six semaines après la catastrophe. Il y photographie une plate-forme pétrolière ravagée par la puissance des vents mais aussi des habitants faisant l’inventaire de leurs possessions sauvées de la destruction, des réfugiés dans un dortoir de fortune. Là encore, nul moralisme mais la participation à une prise de conscience généralisé de la faiblesse des constructions humaines face au dérèglement climatique.

American Power - Steidl Verlag Editions © Mitch Epstein
American Power - Steidl Verlag Editions © Mitch Epstein

Source : Des livres et des photos (Actus, critiques, interviews)

☞ Voir d’autres livres : « The birthday party » – Vee Speers ; « A criminal investigation » – Watabe Yukichi