Les villes fantasmes d’Arthur Crestani

par Wipplay

Arthur Crestani s’est appuyé sur les publicités immobilières en banlieue de Delhi, pour présenter la vision fantasmée des villes de demain. L’occasion pour lui d’interroger l’urbanisation indienne et la place prépondérante de l’image dans ce pays-continent. Son travail, intitulé Bad City Dreams, sera exposé lors du festival Circulation(s), à Paris, du 17 mars au 6 mai 2018.

Quelles sont vos actualités dans les prochains mois ?

Ma série Bad City Dreams sera exposée dans le cadre de Circulation(s) jusqu’en mai, dans le cadre du Prix Dauphine pour l’Art contemporain début avril et du festival Influences Indiennes à Beaucouzé au mois de juin. Je retourne en Inde fin mars pour commencer un nouveau projet avant de profiter du printemps et de l’été pour travailler en banlieue parisienne. Je viens par ailleurs de fonder une association nommée Territoires Visuels afin de promouvoir les pratiques artistiques autour du paysage, de l’espace, de l’urbanisme et de l’architecture.

Bad City Dreams © Arthur Crestani
Bad City Dreams © Arthur Crestani
Bad City Dreams © Arthur Crestani

Quelle est l’obsession photographique que l’on retrouve au fil de ce(s) projet(s) ?

Mon travail photographique est mû par le désir d’interroger la fabrique du paysage comme projet politique, social et économique. En particulier, les espaces urbains me fascinent en ce qu’ils sont le produit d’idéologies, d’ambitions et d’espoirs, qu’on peut lire dans la ville comme on lit les couches sédimentaires en géologie.
J’ai étudié la science politique et les affaires urbaines avant de me tourner vers la photographie et j’ai été très influencé par le courant de sociologie critique porté par Gilles Deleuze, Guy Debord et Henri Lefèbvre, qui conçoivent la ville comme un champ de consommation, le lieu d’une mise en spectacle du monde. A travers l’architecture, les grands projets, le tourisme, la consommation de masse, la ville devient image.

A cet égard, la culture visuelle populaire et vernaculaire me passionne. Combien de fois m’a-t-on dit « I love Paris, it’s my dream city » en Inde ? La ville contemporaine se construit entre fantasme et violence, entre ségrégation et paillettes. Mon travail est obsédé par cette relation à l’espace urbain, entre attachement et projection, entre rêve et dénuement. Le monde urbain est l’objet d’une mise en spectacle constante.

 

Quelle lumière berce vos projets ?

Chaque projet a sa lumière. Je cherche cette lumière troublante, celle qui permet une irruption émotionnelle, qui raconte ce que je photographie avant de parler de moi. Je cherche cette faille, cet interstice dans lequel se donne à voir une vérité derrière une façade en apparence contrôlée.

Bad City Dreams © Arthur Crestani

Quels photographes vous inspirent ?

Je suis passionné de photographie indienne et suis particulièrement ému par les travaux de Gauri Gill et Dayanita Singh, dont les livres House of Love et Dream Villa sont des chefs d’œuvre. Pour en finir avec l’Inde, je dois dire que je suis époustouflé par Max Pinckers, qui y a réalisé un travail d’une très grande finesse. Je suis par ailleurs un inconditionnel d’Eric Tabuchi, dont la réflexion sur l’attachement au paysage, au visuel et au bâti témoigne d’une magnifique sensibilité. Dans un autre registre, mon dernier choc visuel a été la découverte des natures mortes de David Brandon Geeting.

The Fourth Wall © Max Pinckers
The Fourth Wall © Max Pinckers
© David Brandon Geeting