Ce travail est a la fois performatif et photographique tout en livrant au spectateur une sensation proche du dessin. J'offre au spectateur la possibilite de voir mon travail photographique comme un travail graphique semblable au dessin. Je fabrique un dessin simple ou le corps n'est pas visible, mais ou il est suggere par la lumiere. Cette lumiere provient de bracelets lumineux cousu sur des vetements noirs. Ils ont ete cousu de sorte a re-dessiner le corps de facon primaire, aucuns elements nous permet de reconnaitre l'identite du corps. C'est sur un de ces points que mon travail est lie a la syncope. La syncope pour moi est le moment ou nous ne sommes plus ce que nous sommes en realite. C'est le moment ou notre etat psychologique n'est plus lie a notre etat physique. C'est le moment ou le corps ne repond plus, mais ou notre psyche repond encore. Nous pouvons alors nous trouver dans un etat de reve. La syncope est un etat ephemere tout comme les materiaux que j'ai utilise. En effet le bracelet lumineux est un artifice ephemere, on lui donne vie en le tordant, la lumiere prend vie jusqu'a s'epuiser avec le temps pour finalement s'eteindre. Cette lumiere ne peut pas etre dissociee du corps puisque la notion de temporalite les rassemblent. Nous pouvons alors dire que ces bracelets lumineux connaissent l'etat de syncope. Pour moi lorsqu'ils recouvrent le corps, ils en forment un second. Le lien qui existe entre ces deux corps (le corps biologique et le corps lumineux) lors de la performance est si fort, que lorsque j'ai dispose le corps lumineux sur le corps biologique de mon modele, puis sur moi meme dans un second temps, une decouverte ou redecouverte du corps nous a submerge. C'est le moment ou apparait une veritable depossession de soi. Cet etat est representatif du moment ou nous nous reveillons apres s'etre evanoui. Lors de la performance, nous ne pouvions pas nous reconnaitre physiquement du fait que nous ne percevions plus nos membres, ce fus comme si ce corps fait de lumiere avait pris possession de notre corps biologique. Cela s'apparente au moment ou nous sommes plonges a l'interieur de la syncope et au moment ou nous ne pouvons pas reprendre le dessus sur notre corps. C'est dans une totale obscurite que la performance commence, mon modele danse sur la musique en oubliant toute notion de temporalite, laissant vivre son nouveau corps, un corps lumineux lui faisant oublier toute faiblesse liee au processus de creation. Tres vite il se noie dans la joie, l'envie de partage, la fete et l'euphorie. Mais c'est aussi tres vite qu'il sens son corps s'epuiser, le malaise s'installer puisque la combinaison devient oppressante. Ce modele se retrouve donc partagee entre transe, fatigue et malaise. Une fois la limite du corps atteinte, j'ai pris le relais afin de me faire ma propre idee des etats qui pouvaient se degager une fois la combinaison portee. C'est alors que j'ai decouvert exactement la meme chose que ce que mon modele avait ressenti au prealable. L'envie de faire vivre cette lumiere devient l’obsession du projet. C'est donc, par l'experience de la creation du vetement lumineux, et par l'experience qu'elle et moi avons faite de cette performance, que nous avons pu voir a quel point la syncope est proche de ce que nous avons ressentit. Il etait donc essentiel en premiere partie de faire une description de mon travail, afin de vous montrer en quoi la syncope etait presente. Nous allons voir maintenant que la syncope est presente dans les trois travaux graphiques que je propose au spectateur. Chaque composition est formee de 7 dessins creant un panorama de silhouettes lumineuses. Ce nombre a ete choisi car il traduit les etapes de maturites : du fœtus, a la premiere enfance, a l'age de raison, a la fin de l'enfance, a la majorite, a la fin de l'adolescence, a la jeunesse, a l’age adulte, a la maturite suivie du declin des forces. Tous les sept ans, l'homme se regenere entierement. Le sept traduit une auto-fecondation, la naissance ou renaissance, decouvert et redecouverte est ainsi directement en lien avec mon œuvre comme nous l'avons dit precedemment. L'integralite de l'oeuvre donne a voir une naissance d'un corps en mouvement. Chaque corps a l'interieur d'une composition, donne a voir une renaissance lorsque nous lisons chaque figure de gauche a droite. En passant d'un corps a l'autre dans le sens de la lecture, nous nous rendons compte egalement d'une evolution, un renouvellement dans les formes, les postures, les traits, courbes et lignes. Puis on passe a l'oeuvre suivante representant toujours l'evolution du corps, le renouvellement des formes etc.. La temporalite est egalement visible dans le sens ou les photographies ont ete disposees de gauche a droite de maniere chronologique lorsque le corps dansait. L'etat de reve et de depossession de soi sont visibles graphiquement puisque ces silhouettes donnent le sentiment de flotter dans l'espace, elles sont plongees dans le noir, ce qui permet au spectateur d'avoir le sentiment d'etre plonge dans un reve, pris dans un malaise... Seul la lumiere dessine le corps et provoque une frustration chez le spectateur. Il est a la fois plonge dans un reve en etant face a cette composition, et il ne peut se reconnaitre car la lumiere ne revele aucune identite. C'est par l'absence d'identite du corps que ces silhouettes permettent de toucher a la fois tout le monde par leurs universalites, mais a la fois personne par leurs manques d'identites. Le trouble est donc present sur le rapport du spectateur a l'oeuvre. Les mouvements qui se dessinent dans l'espace semblent infini. Chaque silhouette donne l'impression de danser jusqu'a l'epuisement, ou donne l'impression qu'elle ne s'arretera pas de danser tant que la lumiere est presente. Ces silhouettes sont composees de differentes couleurs, des couleurs eblouissantes, tres satures. Ces tons colores permettent aux corps de se detacher du fond alors que celui-ci recompose le corps la ou la lumiere est absente. Les formes lumineuses creent par le corps peuvent etre qualifiees d'oniriques et biomorphiques. Les mouvements du corps forment des courbes et lignes a la fois fluides et irregulieres. Le corps se libere et donne vie a cette lumiere. La lumiere s'echappe alors du corps. Seul les mouvements du corps peuvent decider de la direction des traces lumineuses. Les sept corps lumineux de chaque œuvre sont tous a la meme echelle mais ne sont pas toujours present au meme niveau, ce qui produit une dynamique visuelle et donne une dimension de profondeur, mais permet egalement d'effacer la lecture purement horizontale des sept corps. L'oeil voyage alors horizontalement et verticalement. Grace aux traces lumineuses biomorphiques, l'oeil peut aussi suivre les traces de lumieres afin d'essaye de recomposer les mouvements de danse. MTV (« manque, transe et verite »), est un travail cherchant a construire un lien entre le corps et la matiere, a conduire le corps a ses limites le poussant a un etat proche de la syncope, un etat retranscrit ensuite dans la composition photographique finale, permettant au spectateur de partager ce meme etat.