La folie recluse, par Raymond Depardon

A travers ses récits photographiques, Raymond Depardon a consacré sa vie à donner la parole à tous ceux qui souffrent. Son travail s’attache à peindre le monde réel même dans ce qu’il peut avoir de cruel et d’étonnant. Parmi les sujets abordés, Depardon s’intéresse beaucoup au rapport des individus face à la justice avec des oeuvres cinématographiques comme Faits divers (1983), Délits flagrants (1994) et 10e Chambre, instants d’audience (2004).

Lorsqu’il se penche sur la société, Depardon n’oublie pas des groupes d’individus plus en marge. Ainsi, entre 1977 et 1981, le photographe entreprend un travail sur les hôpitaux psychiatriques. Son terrain sera l’Italie, notamment les villes de Trieste, Venise, Naples, Arezzo et Turin. Pendant 4 ans, Depardon va visiter de nombreux asiles pour y réaliser des clichés impressionnants capables d’illustrer la solitude, l’abandon, l’errance, la folie. Une véritable mise en lumière de cette sombre part de l’humain délaissé et douloureux qui fera l’objet d’un ouvrage photographique Manicomio : La folie recluse, paru en 2013 chez Steidl.

Le directeur de l’hôpital de Trieste, Franco Basaglia, déployait un nouveau programme expérimental : en supprimant les camisoles de force, en abattant les murs, en introduisant doucement la dignité et la démocratie dans les soins aux patients, il tentait d’ouvrir la voie à une approche plus humaine du traitement de la santé mentale. Basaglia dit alors : « Prenez vos photos… sinon les gens ne vous croiront pas ». Raymond Depardon a donc photographié ce changement de traitement inédit après la mise en place de la loi 180, ainsi que les dégâts de ce système sur les patients. « Avec le bruit et la décrépitude du lieu, j’avoue qu’un instant j’ai pris peur » confiera le photographe.

Ce travail fera l’objet d’un ouvrage photographique : Manicomio : La folie recluse, paru en 2013 chez Steidl. Le livre qui rassemble 218 photographies, ne sortira qu’en 2013, l’année de la promulgation d’une loi française visant à renforcer les droits des personnes internées en soins psychiatriques.