Les ascenseurs de Thierry Bouët

par Wipplay
© Thierry Bouët

Nous sommes à Paris dans les années 90. Thierry Bouët (juré de notre concours ASCENSEUR) cherche à travailler pour la revue Egoïste consacrée à la photographie.

Fondé en 1977 par Gérard-Julien Salvy (directeur) et Nicole Wisniak (rédactrice en chef), ce format original en noir et blanc attire des photographes comme Helmut Newton, Richard Avedon ou Bettina Rheims mais aussi des écrivains comme Marguerite Duras, Françoise Sagan ou Jean d’Ormesson.

Thierry propose à Nicole Wisniak un sujet sur les ascenseurs. Ces espaces atypiques l’inspirent, les silences y sont délicieux, les situations cocasses y sont légions. La rédac’ chef de la revue accepte. Du Ritz au siège social de Bouygues, de l’Opéra Garnier en passant par la NMPP (Nouvelle messagerie de la presse parisienne), Thierry capture des mécanismes particuliers mais aussi des situations inédites, qu’il reproduit le plus souvent.

Toute la série est à découvrir sur le site du photographe qui a mis en ligne son fonds photographique. Nous vous partageons ici certains clichés choisis par le photographe qui ne manque jamais d’anecdotes pour nous faire « entrer » dans ses images.

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◉ Quelques mécanismes inédits : à la Bibliothèque Nationale, au siège social de Bouygues, à la Nouvelle Messagerie de la Presse Parisienne (NMPP)

 

☞ A la Bibliothèque Nationale
Un monte-charge pour élever Maupassant

« La Bibliothèque Nationale offre une curiosité particulière : un monte-charge pour livres. Ce mécanisme fascinant avait tout naturellement sa place dans la série. Pour le mettre en scène, j’ai demandé au bibliothécaire l’ensemble des oeuvres de Guy de Maupassant. Mon idée était de mettre en lumière l’oeuvre – finalement assez courte – d’un auteur que j’apprécie beaucoup. »

© Thierry Bouët

☞ Au siège social de Bouygues
Des ascenseurs comme des bulles de verre

« Certaines architectures sont un vrai cadeau pour composer une image. Avec ses lignes géométriques parfaites, l’immense volume du siège social de Bouygues en est un bel exemple. Le site offre un recul idéal pour capter les ascenseurs du grand hall qui sont de véritables bulles de verre. Leur mouvement rythme le flux des travailleurs tout au long de la journée. »

© Thierry Bouët

☞ A la Nouvelle Messagerie de la Presse Parisienne
Un paternoster pris sur le vif !

« Juin 1991. La Nouvelle Messagerie de la Presse Parisienne (NMPP) – nouvellement Presstalis – dispose d’un décor hors du temps marqué par ses ascenseurs qui défilent sans discontinuer comme on égraine un chapelet. La comparaison lui a d’ailleurs donné son nom : paternoster. Les employés de la NMPP s’y engouffrent et s’en extraient tout au long de la journée, comme autant de sujets à capturer sur le vif. Entre le personnage qui arrive à ma hauteur et ceux qui grimpent à l’étage supérieur, c’est une journée de boulot qui défile. Vous remarquerez que mon flash vient accrocher la paroi centrale de l’ascenseur. »

Siège de la NMPP © Thierry Bouët

◉ La vie en ascenseur, prise « sur le vif » ou mise en scène : à Orly, à la caserne de Mantes-la-Jolie, à l’hôtel Ritz

☞ Aéroport d’Orly
Un ascenseur peut en cacher un autre.

« Nous sommes en avril 1991. On pourrait croire que l’image est composée, il n’en est rien. Ces deux personnes pressées ne me voient pas. Il n’est pas certain qu’elles aient vu l’autre ascenseur s’entrouvrir juste à côté. C’est d’ailleurs toute la saveur de cette photo. La porte est-elle en train de s’ouvrir ou de se fermer ? Au-delà de louper leur ascenseur, ces deux-là vont peut-être louper leur avion. Qui sait… »

© Thierry Bouët

☞ La caserne de pompiers
Il n’y a pas de photo sans fumée.

« Nous sommes dans un immeuble situé juste en face de la caserne des pompiers de Mantes-la-Jolie. J’avais repéré cette cage d’ascenseur et j’avais envie de faire poser les soldats du feu. Pour ajouter un peu de sel, je leur ai demandé d’allumer une cigarette. Tous se sont pris au jeu, le périmètre étant largement sécurisé. Et voici le résultat : des pompiers, fumant comme des pompiers… C’est une figure de style qui prend l’ascenseur. »

© Thierry Bouët

☞ A l’Opéra Garnier :
L’entrée (de service) des artistes

« Pour mon shooting à l’Opéra Garnier, j’ai bénéficié d’accès privilégiés. En me faufilant dans les coulisses, j’ai repéré ce monte-charges capable de faire grimper tout un orchestre. Ce soir-là, j’ai demandé aux musiciens de poser et de discuter entre eux, juste avant de monter sur scène. Si l’image était à refaire aujourd’hui, je photographierais simplement les visages concentrés, pendant les secondes magiques qui précèdent la représentation. »

© Thierry Bouët

☞ Au Ritz Hôtel:
Les apparences sont parfois trompeuses

« Cette photo n’est pas un heureux hasard. Il s’agit d’une mise en scène longuement murie. Nous sommes au Ritz, en mars 1992. La femme aux talons est une amie et les hommes entassés dans l’ascenseur sont des employés d’un restaurant chinois rencontrés le midi même. Ils ont merveilleusement joué le jeu, tous en costard cravate. En revoyant l’image, je me demande exactement combien ils sont. »

© Thierry Bouët

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Le concours photo ASCENSEUR, en partenariat avec la Fédération des Ascenseurs vous invite à  poser votre regard sur ces petits espaces qui rassemblent toutes les trajectoires humaines. Vous avez jusqu’au 3 août 2022 pour participer. En guise de conclusion, Thierry partage quelques conseils aux participants :
“Ceux qui veulent faire de la mise en scène (et non du documentaire) feront face à une contrainte majeure : immobiliser l’ascenseur. Cela demande un temps de repérage et des autorisations qu’il vous faudra bien prendre en compte. Prenez bien votre temps pour organiser votre shooting, pensez bien à construire votre composition dans un premier temps avant de vous lancer. Bon courage à tous !”